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    • L’insuline, hormone de la nutrition


      INTRODUCTION

      Le rôle capital joué par le pancréas dans l’homéostasie glucidique a été élucidé en 1899 par Von Mering et Minkowsky mais ce n’est qu’en 1922 que l’insuline fut employée en thérapie humaine afin de remédier à la mortalité induite par le diabète de type 1. La connaissance de la fonctionnalité des cellules productrices d’insuline a progressé grâce aux techniques de dosages radio-immunologiques et d’isolement des îlots de Langerhans. La localisation de ces cellules de type B est typique. Dans un îlot, les cellules ,B sont distribuées au centre et représentent 70 à 75 % du total cellulaire (il existe des différences interspécifiques: chez le cheval, au contraire, elles sont situées en périphéries). L’ultrastructure révèle dans le cytoplasme des granulations orienté vers le pôle d’un capillaire, elles sont dites b: ces granulations comportent un large halo et un coeur cristallin dont l’aspect est du au parallélisme des molécules qu’il contient. Ces granules constituent la réserve insulinique de l'ilôt. La molécule d'insuline se compose de deux chaînes polypeptidiques unies par des pont disulfures. Cette conformation résulte des modalités de sa synthèse. L'insuline est sécrétée ors des cellules B en même temps que le peptide - c, une molécule au rôle mal connu. Le gène de l'insuline s'exprime dans les cellules B des îlots de Langerhans du pancréas.

      BIOSYNTHESE DE L’INSULINE
      La biosynthèse de l'insuline s'amorce dans le noyau des cellules B, à partir de l'information contenue dans le code génétique, située sur le chromosome 11, et son parcours intracellulaire se poursuit dans le réticulum endoplasmique rugueux après la transcription en ARN du gène codant pour une grosse molécule précurseur: la pré-pro-insuline qui a une durée de vie courte. L'ARNm traduit et exporté dans le cytoplasme transfère aux ribosomes situés à la surface des citernes formant le réseau complexe du réticulum, les informations nécessaires pour assembler les acides aminés constituant la pré-pro-insuline. Le segment "pré" coupé par des enzymes, synthétisés par d'autres ribosomes, est responsable de la migration de la chaîne protéique en cours d'assemblage vers l'intérieur des cavités du réticulum endoplasmique rugueux. La molécule de pré-pro-insuline est alors transformée en pro-insuline (86 acides aminés, poids moléculaire » 9000) contenant les chaînes d'acides aminés qui donneront l'insuline (51 acides aminés, poids moléculaire » 6000), plus un segment, le peptide de connexion ou peptide-c (31 acides aminés, poids moléculaire » 3000) reliant la fin de la chaîne A au début de la chaîne B. Dans le reticulum, les molécules de pro-insuline s’associent en hexamères, ceci nécessitant la présence de zinc. La structure de la pro insuline est représentée sur le schéma


      La proinsuline, vraisemblablement liée à des récepteurs, ainsi que des enzymes de coupure, sont transférées à l'intérieur de petites vésicules vers la citerne cis de l'appareil de Golgi, c'est-à-dire le pôle le plus proche. La partie extrême de cette citerne bourgeonne. Elle constitue des vésicules qui vont migrer selon un mode de transport régulé et rejoindre la citerne trans, située au pôle le plus éloigné, pour fusionner avec elle. Les extrémités dilatées sont caractérisées par la présence, à la surface externe de leur membrane, d'une couche de fins filaments composés d'une protéine appelée clathrine que l'on trouve souvent associée aux membranes cellulaires lorsque celles-ci entrent en mouvement, notamment lors de la formation de vésicules membranaires. Ces extrémités se détachent pour produire les vésicules sécrétoires "épineuses" (ou "recouvertes"), riches en proinsuline. Le contenu est relativement peu dense et occupe tout l'espace limité par la membrane. A l'intérieur de ces vésicules, la proinsuline subit l'attaque des enzymes qui commencent à couper le peptide-c pour former l'insuline. "Ces enzymes de conversion" ont une activité trypsinique et carboxypeptidasique B. Ce processus s'accompagne d'une acidification du contenu vésiculaire et du détachement du revêtement de clathrine. Le deuxième type de vésicules sécrétoires apparaît. Elles sont donc dépourvues de clathrine, plus nombreuses et dispersées dans tout le cytoplasme. Leur contenu très dense est séparé de la membrane par un halo clair. On les appelle vésicules sécrétoires lisses (ou "non recouvertes"). Elles contiennent essentiellement l'insuline et le peptide-c en quantité équivalente et un peu de proinsuline résiduelle non coupée. Le contenu hormonal des vésicules n'est libéré de la cellule B que lorsque celle-ci est stimulée par un signal approprié, en l'occurrence une augmentation de la concentration en glucose sanguin. Cependant, toute l'insuline synthétisée n'est pas sécrétée, constituant un pool de base. Certaines vésicules lisses, lors de la migration vers la membrane cellulaire, rencontrent des lysosomes, organites de dégradation cytoplasmique, qui détruisent l'insuline. Les cellules B ne libèrent l'insuline dans le sang qu'après avoir franchi la barrière formée par les membranes imperméables: la membrane limitant la vésicule sécrétoire s'approche de la membrane cellulaire, entre en contact, puis fusionne avec elle. Par ce mécanisme dit d'exocytose, l'insuline quitte la cellule, passe dans les capillaires sanguins et se distribue par la circulation pour agir sur les divers organes cibles. La sécrétion d’insuline s’établit selon deux modes: continu pour maintenir un taux basal d’insuline circulante et stimulé en réponse à un signal tel que l’absorption d’aliments. Ce deuxième mode est biphasique: Tout d’abord une phase précoce liée à la libération de l’insuline stockée puis une phase tardive, post prandiale, correspondant à la libération de l’insuline nouvellement synthétisée.


      DES EFFETS VARIES, PUISSANTS ET GENERAUX MODIFIANT LE METABOLISME
      Les effets de l'insuline sont multiples car ils concernent à la fois le métabolisme
      (anabolisme) des trois familles de nutriments: glucides, lipides et protides essentiellement au niveau du foie, du tissu adipeux et du muscle. Au niveau glucidique, sa principale activité est de favoriser l'entrée du glucose dans les cellules des tissus insulinosensibles. Au niveau de ses cellules cibles, cette hormone facilite la pénétration du glucose dans le cytoplasme en augmentant la perméabilité de leur membrane au moyen d'un recrutement de récepteurs au glucose GLUT4. L'insuline stimule l'enrichissement de la membrane plasmique en transporteurs GLUT4. Pour cela, des vésicules contenant les transporteurs fusionnent avec la membrane. Une autre hormone d'origine intestinale, le GLP-1, est également capable d'augmenter le nombre de récepteurs GLUT4 (et GLUT 1) sur les adipocytes, du moins in vitro. De façon moins marquante, l’insuline inhibe aussi l’endocytose de GLUT4. Au niveau des cellules hépatiques, l’insuline stimule la glycogenèse c'est-à-dire le stockage du glucose sous forme de glycogène dont elle inhibe la dégradation par stimulation de l’activité glycogène synthase. L’insuline stimule l'utilisation du glucose par la glycolyse ou son oxydation par la voie des pentoses-phosphate et s'oppose à la fabrication de glucose à partir d'acides aminés gluco-formateurs (néoglucogénèse) et à la sortie du glucose du foie. Cette hormone inhibe la production du glucose en diminuant la glycogénolyse par inhibition de la glycogène phosphorylase. Dans les cellules musculaires, l’insuline favorise le transport membranaire et la conversion du glucose en glycogène par activation de la glucose 1 phosphate uridyl transférase, de la voie des pentoses et du cycle de Krebs. La stimulation de la sécrétion d’insuline est sous le contrôle principal des enzymes glucokinase (GK) et glucose 1,6 diphosphatase métabolisant les hexoses. La glucokinase joue un rôle prépondérant à ce niveau: des souris transgéniques exprimant plusieurs copies du gène de la GK ont une glycémie diminuée alors que les humains atteints de MODY-2 possédant moins de gènes fonctionnels sont hyperglycémiques. La production d’insuline chez les animaux transgéniques “multi-GK” est cependant réduite car il y a compensation hépato-pancréatique: alors que le foie peut utiliser plus facilement le glucose, la sécrétion d’insuline diminue, ce qui a pour effet de contrer la pénétration du glucose et de maintenir la glycémie à un taux certes inférieur de 20 à 30 % à celui des animaux normaux, mais qui reste acceptable. La glucokinase apparaît donc bien comme une enzyme clef de la régulation de l’activité des cellules B. Les oses non métabolisées par son entremise comme le galactose, le ribose ou le xylose sont sans effets sur la cellule B. Les acides aminés lysine et alanine constituent également deux puissants sécrétagogues insuliniques. Il faut ajouter à cette liste une stimulation nerveuse, vagale (que l’on peut bloquer par l’atropine) et par le glucagon son antagoniste. La présence de NO synthase et d’héme oxygénase dans les cellules endocrines insulaires laisse également entrevoir une action possible, paracrine ou neurocrine, du NO ou du CO comme modulateurs des sécrétions hormonales pancréatiques (en agissant peut être sur l’activité de la guanylyl cyclase). Au niveau lipidique, l’insuline exerce une action anti-lipolytique en diminuant la libération des acides gras libres et du glycérol du tissu adipeux. Ce tissu se révèle particulièrement sensible à l’action de cette hormone, qui y exerce ces effets avec des concentrations plasmatiques de 7 à 10 fois inférieures à celles nécessaires à ses autres actions. Dans les adipocytes, elle favorise la captation des triglycérides en augmentant l’activité de la lipoprotéine lipase et augmente la synthèse de ces derniers à partir du glucose ou de l’acétate. L’entrée des lipoprotéines sériques dans ces cellules est également stimulée par l’insuline. Cette hormone favorise, au niveau hépatique, la synthèse des acides gras libres et l’estérification des triglycérides. Enfin, elle agit comme régulateur de la concentration des corps cétoniques circulant en diminuant leur libération par le tissu adipeux et l’oxydation des acides gras libres et de l’acétyl CoA et en augmentant la consommation des corps cétoniques au niveau musculaire.Au niveau protidique, L’insuline est responsable de du maintien de la balance azotée. Elle exerce son action anabolique au niveau musculaire et hépatique selon deux voies: - stimulation de la synthèse protéique à partir d’acides aminés plasmatiques (effets dépendant de l’AMP cyclique) - inhibition du catabolisme protéique (diminution de la synthèse d’urée) et de la gluconéogénèse à partir d’acides aminés glucoformateurs. En plus de ces effets anaboliques, l’insuline joue un rôle de facteur de croissance: elle stimule la prolifération des cellules épithéliales de la bordure en brosse de l’intestin humain (jejunum et colon) au cours de l’embryogénèse. Pendant la croissance, l’insuline agit en stimulant la formation de somatomédines, polypeptides de faible poids moléculaires,médiateurs de l’effets de l’hormone de croissance. Certaines de ces somatomédines stimulent la prise de sulfate par le cartilage et possèdent de plus un effet insulinique sur le tissu adipeux et le muscle. Elles ont été nommées IGF 1 et 2 (Insulin Growth Factor). Elles ont été suspectées d’intervenir dans le déclenchement de certains cancers du colon. Influence de l’insuline sur différents tissus .

      Influence de l’insuline sur différents tissus

      DES EFFETS DISCRETS MAIS IMPORTANTS SONT MIS EN LUMIERE PAR L’ETAT DIABETIQUE
      L’étude in vivo et in vitro des conséquences de l’état diabétique ou des troubles insuliniques qui lui sont associés (résistance à l’insuline, hyperinsulinémie transitoire, insulinopénie, toxicité du glucose par trop abondant) a mis récemment en lumière des effets nouveaux pour cette hormone pourtant connue de longue date: • Chez certains individus, l’insuline inhibe la lipolyse et l’agrégation plaquettaire • L’insulino résistance et l’hyperinsulinémie qui la caractérise sont à l’origine d’une intensification des conditions pro-thrombiques: agrégation plaquettaire facilitée, inhibition de la fibrinolyse et dyslipidémie créant des conditions favorables à une coagulation sanguine inappropriée. • L’hyperinsulinémie est également à l’origine d’une intensification des processus d’oxydation avec formation de radicaux très réactifs. • La thermogenèse est inhibée • L’insuline contribue a une élévation de la pression artérielle: au niveau rénal, elle est en effet à l’origine d’une rétention de sodium et d’acide urique, qui se retrouve d’ailleur dans le sang. • Les membranes cellulaires de tissus insulinosensibles ou non ont tendance a être hyperpolarisées par cette hormone. Il en résulte des perturbations des phénomènes de conduction électrique membranaire avec des conséquences au niveau sensitif (perturbation des barorécepteurs) et cardiaque (allongement de la période réfractaire). • Un effet vasodilatateur de l’insuline a parfois été rapporté, en liaison avec les pompes transmembranaires à sodium/potassium et le calcium intracellulaire. • L’insuline agit également au niveau du système nerveux central, traversant la barrière hémato-encéphalique, pour y déclencher des effets correspondant à une réaction de stress: stimulation du CRF entraînant l’activation du système de la proopiomélanocortine (système d’adaptation au stress), excitation sympathique, inhibition vagale. L’étendue de ces effets métaboliques démontre l’importance de l’insuline et son indispensable présence pour le maintient du fonctionnement de l’organisme. Cette hormone joue de plus chez les organismes inférieurs un rôle important dans les phénomènes de vieillissement ou de suspension du métabolisme: on a ainsi pu montrer que chez le nématode Caenorhabditis elegans la régulation de l’activité métabolique globale est sous la dépendance de molécules présentant une forte homologie avec l’insuline, ses facteurs de croissance et son récepteur. L’insuline est donc une molécule apparue et conservée depuis près de 800 millions d’années dans le monde animal, et cela confirme sa très grande importance pour le maintien de la vie.